L'histoire :
«La température du sécheur dit n’importe quoi ! on a arrêté l’atelier et on ne produit plus depuis 1 semaine. Avant que tu interviennes, cela marchait très bien !!». C’est par ces mots que je fus accueilli de retour d’une semaine de vacances. Immédiatement, je compris ce qui se passait…
Le vendredi de la semaine précédente, avant ma semaine de vacances, je réalisais la confirmation métrologique de la chaîne de température de ce fameux sécheur. C’est une chaîne de température particulière puisque la sonde est dans la cheminée du sécheur à plus de 3 mètres de haut. Comme le fabricant du matériel n’a pas prévu 3 mètres de câble pour étalonner en chaîne complète, alors je dus déconnecter la sonde de température afin de réaliser l’opération en 2 temps : sonde puis convertisseur et indicateur.
Je déconnectai le câble de la sonde au bornier de la boite de jonction puis je retira la sonde de la cheminée, le tout à plus de 3 mètres de hauteur, à bout de bras depuis une échelle un peu trop courte.
La sonde était ensuite immergée dans le bain d’huile, en comparaison à mon étalon pour réaliser l’étalonnage.
Je profitais des phases de stabilisation en température pour simuler le reste de la boucle (le convertisseur et la carte d’entrée automate) à l’aide d’un générateur d’ohms étalons.
La sonde présentait des erreurs bien plus faibles que l’EMT et la boucle électronique ne présentait pas d’écart par rapport au simulateur étalon. Bref, une opération rondement menée, un vendredi après-midi en bafouant la règle des anciens «ne jamais rien faire le vendredi», preuve qu’ils avaient tort.
Lors du remontage, les choses furent moins simples. En effet, déconnecter à bout de bras est relativement facile, mais repositionner les 3 fils de la Pt 100 dans un bornier que l’on ne voit pas ne l’était pas.
Il était près de 16h et j’avais vraiment envie de partir ; or j’éprouvais de grandes difficultés à reconnecter ces 3 fils dans ce fameux bornier. Après de multiples essais, j’arrivais à reconnecter ces fils, refermait le coffret de la boite de jonction et avant de partir, je m’assurais de la cohérence de la température du sécheur. Tout était OK, il ne restait plus qu’à rédiger le document de confirmation métrologique, apposer l’étiquette de validité et mettre à jour le planning, ouf je pouvais partir à 16h30.
Lorsque je suis rentré de congés, je compris que durant mon absence, cette température avait donné des résultats aberrants ; j’ai tout de suite su d’où venait le problème :
Le capteur de cette chaîne de température est une Pt 100 3 fils comme le montre la photo ci-dessous.
Le principe de fonctionnement d'une Pt 100 3 fils
Un capteur dont l’élément sensible est un petit morceau de platine modifié de telle sorte qu’à 0°C sa résistance électrique soit de 100 Ω et qu’à 100°C elle soit de 138,5 Ω, avec une réponse très linéaire (0,385 Ω/°C si cette Pt 100 est conforme à la norme EN 60751).
Le convertisseur de température mesure cette résistance et la convertit en °C équivalent au regard de la table fournie dans l’EN 60751, rien de plus simple !
La difficulté réside dans la mesure de résistance. En effet, l’élément de platine est à l’extrémité de la sonde or entre ce dernier et le convertisseur plusieurs mètres de câbles sont présents. Ce câble présente une résistance, certes faibles, mais qui ajoutée à celle de la Pt 100 provoque une erreur systématique.
Pour corriger ce biais, par construction, il est ajouté un 3e fils de même taille, section et matière que les 2 autres. Pour connaître la résistance de la Pt 100, le convertisseur réalise alors 2 mesures, celle du circuit total et celle des fils :
Ωtotal (fils blanc et rouge) = Ωfil blanc + ΩPt 100 + Ωfil rouge
Ωfils (fils rouge et rouge) = Ωfil rouge + Ωfil rouge
Comme Ωfil rouge = Ωfil blanc alors en faisant la soustraction de Ωtotal et de Ωfils le convertisseur en déduit ΩPt 100
Que s'est-il passé ?
Le câblage de ces 3 fils ayant été approximatif, au premier démarrage du sécheur, les vibrations ont probablement fragilisé cette connexion et des ohms parasites sont venus perturber les équations précédentes. Pour fonctionner correctement, la mesure de température en Pt 100 3 fils requiere les mêmes résistances sur ces 3 mêmes fils. Un serrage inapproprié d’une des 3 bornes et c’est tout de suite plusieurs degrés d’erreur qui arrivent.
Pour remédier au problème, je suis retourné dans le local technique du sécheur, avec cette fois-ci une échelle adaptée et j’ai reconnecté sérieusement les 3 fils du capteur, la température redevint cohérente comme par magie.
Les enseignements
- Grande vigilance devant une chaîne de température avec une Pt 100 3 fils (la majeure partie des installations industrielles en sont dotées). Si le câble entre la sonde et le convertisseur est déconnecté, alors vérifier à 2 fois le cablage. Dans la situation présente, l’envie d’en finir vite pour aller en vacances conduit notre métrologue à ne pas utiliser une échelle ou un moyen d’accès adapté et donc fragilise sa connexion.
- Si la mesure de température est critique, ou que des vibrations sont présentes au niveau de la connectique, préférez le montage 4 fils qui aura plutôt un fonctionnement binaire : marche ou pas. Le problème de la Pt 100 3 fils est qu’un déséquilibre en ohm des 3 fils se traduira par une erreur en °C significative car 0,385 Ω = 1°C
- La place du métrologue est dans les projets. S’il avait été présent, il aurait pu imposer une longueur de câble suffisante en réserve pour ne pas avoir à déconnecter la sonde.
- La faute aussi au métrologue qui n’a pas su partager sa métrologie et à la maintenance qui a le beau jeu de se déresponsabiliser en disant que comme cette sonde est «sous métrologie», elle n’intervient pas. C’est une situation fréquente malheureusement où l’on fait porter au métrologue beaucoup trop de responsabilités. Dans cet exemple, la maintenance aurait pu enquêter et logiquement trouver le problème. Or, l’instrumentation même simple comme celle de la Pt 100 peut faire peur à des techniciens au profil électromécanique. Il est plus simple de dire «je n’y touche pas, c’est un point métrologique» que de chercher et peut-être devenir le responsable de l’arrêt de l’atelier s’il ne trouvait pas la panne.
- Enfin, l’adage qui dit qu’il est risqué d’entamer quelque chose sur le terrain le vendredi après-midi se vérifie assez souvent et invite au respect des anciens.