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La sonde était trop courte

L'histoire :

Je réalisais un audit «pratiques de métrologie» au sein d’un dépôt pétrolier. Au premier jour, lorsque je fis la visite du dépôt avec l’opérateur. Il me conduit vers un important poste de chargement de camions composés de plusieurs îlots comprenant eux-mêmes plusieurs EMLAE. Il m’expliqua qu’en plus des vérifications réglementaires annuelles des compteurs faites par un sous-traitant agréé, il réalisait tous les 6 mois une vérification interne des chaînes de températures des EMLAE. Je soulignais cette bonne pratique sachant combien la connaissance de température est essentielle pour la détermination des volumes. Tout en visitant les différents quais de chargement, il me dit que celui-ci était particulier, car pour étalonner la température il était obligé de démonter la sonde et de la tremper dans un seau d’eau en comparaison avec l’étalon. Je lui demandais pourquoi, il me répondit qu’il ne savait pas, mais que s’il utilisait le doigt de gant de contrôle à côté de la sonde, il n’arrivait pas toujours à trouver une erreur satisfaisante. J’entendis cette information, mais je ne réagis pas tout de suite, j’avais d’autres processus à auditer et le temps était limité.

Le dernier jour de mon audit, avant de partir, je décidais de lever un doute, j’avais une intuition qui me disait «ce n’est pas normal». Ce n’est pas normal de ne pas pouvoir étalonner une chaîne de température in situ à l’aide du doigt de gant de contrôle. Je demandais donc à l’opérateur de réaliser devant moi l’étalonnage. Nous choisîmes un bras de chargement avec un camion en train de charger pour garantir la circulation du fluide et nous observâmes la valeur de l’étalon dans le doigt de gant et celle de l’indicateur local. Effectivement, un écart supérieur à 0,5°C était présent, il avait tendance à se réduire, mais de manière très lente. Ayant réalisé dans ma vie cette opération un grand nombre de fois, je compris que ce n’était pas normal. Je demandais alors à l’opérateur s’il pouvait démonter la sonde. Heureusement pour moi, j’étais dans un dépôt, un endroit où les pratiques sont plus souples qu’en usine pétrochimique et où un démontage sur le champ d’une sonde est impossible. Il prit une clé à molette et desserra l’écrou pour libérer la sonde. En la sortant, je compris tout de suite le problème et le fit remarquer à l’opérateur : la sonde Pt 100 installée n’avait pas été bien choisie, sa longueur insuffisante ne permettait pas à l’élément sensible d’être immergé dans le tuyau où passait le fluide. 

Tout s’expliquait ! En étalonnage in situ, l’étalon lui avait la bonne longueur pour mesurer la température du fluide tandis que la sonde, elle ne mesurait qu’à l’entrée du tuyau, cela expliquait la raison de cet écart. Naturellement, ce biais disparaissait lorsque la sonde était démontée et plongée avec l’étalon dans un seau d’eau.

Réflexion

L’impact économique n’est pas neutre. En comptage pétrolier, une dilatation de ± 1°C du fluide entraîne une variation de ± 0,1 % du volume mesuré. Dans les dépôts, les postes de chargement de camions sont la principale porte de sortie des fluides, automatiquement, si tous les bras de chargements sont entachés de ce problème, cela créera une perte ou un gain systématique en fonction de la température extérieure.

Les EMLAE des chargements de camions sont des équipements de mesure soumis à la métrologie légale. La métrologie légale c’est de la métrologie, mais avec des règles du jeu fixées par l’état. Parmi ces règles, il y en a 2 essentielles :

La validation de la conception de l’instrument avant installation : s’assurer que l’équipement de mesure est apte pour réaliser le mesurage

Le contrôle dans le temps : s’assurer que l’équipement présente toujours les qualités métrologiques nécessaires tout au long de sa vie

Pourquoi ces 2 contrôles ont laissé passer cette anomalie ??? 

La réponse est assez simple. Cet ilot de chargement était assez ancien et l’examen de type (certification initiale) de cet EMLAE n’intégrait pas la mesure de température. Il était officiellement déclaré en comptage brut, c’est-à-dire aux conditions de service et cette mesure de température était considérée «hors métrologie».

De ce fait, le vérificateur agréé qui intervient tous les ans n’a pas obligation d’étalonner cette mesure de température puisqu’officiellement, elle n’est pas dans le dossier d’installation.

Les enseignements

  • La métrologie ne se résume pas au contrôle des instruments, mais aussi à leur bonne installation
  • Encore une fois, cette anecdote montre que l’étalonnage hors condition d’utilisation n’est pas une garantie suffisante
  • Écouter son instinct, gratter les choses bizarres… 
  • Expérimenter, oser, pour comprendre, chercher et trouver.

À savoir en métrologie légale

EMLAE : Ensemble de Mesurage de Liquides autres que l’eau, nom réglementaire d’un ensemble de comptage. C’est une des 37 catégories d’instruments réglementés en France.

La validation de la conception se nomme l’examen UE de type pour les catégories harmonisées en UE suivant la directive des instruments de mesure MID. Pour les catégories non harmonisées, cette opération se nomme l’examen de type.

Le contrôle dans le temps se nomme le contrôle en service. Pour la catégorie EMLAE il est constitué de 2 opérations :

  • La révision périodique, opération annuelle qui vise à maintenir l’état réglementaire et les performances métrologiques de l’installation (avec un ajustage au débit utile pour minimiser les erreurs de justesse).
  • La vérification périodique, opération annuelle qui vise à s’assurer de l’état réglementaire et des performances métrologiques.

 

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